tous les jours : car s’il ne la voyoit chez ſa Tante, il la voyoit chez la Reine, ou à la promenade, ou en quelques viſites : & comme Leoniſe n’eſt pas de celles qui ſe détruiſent elles meſmes lors qu’on les voit en particulier : & qu’au contraire, plus on la voit, plus on la trouve charmante : Beleſis la voyant plus ſouvent qu’aucun autre, l’eſtima auſſi encore plus que tous les autres ne l’eſtimoient, quoy qu’elle le fuſt univerſellement de tout le monde. Leoniſe de ſon coſté, eut pour Beleſis plus de civilité & plus de complaiſance, que pour tous les hommes qu’elle voyoit : non ſeulement parce qu’en effet il le meritoit plus que tous les autres, mais encore parce qu’elle remarqua aiſément qu’il eſtoit fort eſtimé de ſa Tante & de Cleodore : de ſorte que Beleſis la trouvant toujours d’une humeur égallement douce, s’accouſtuma à chercher quelque conſolation en ſon entretien, dans les heures où il eſtoit mal avec Cleodore ; ce qui luy arrivoit aſſez ſouvent ; comme je l’ay deſja dit. Il avint meſme que Leoniſe leur cauſa une querelle ſans y penſer : car comme ſa beauté fit grand bruit, lors qu’elle arriva à Suſe, elle attira indifferemment chez elle, les honneſtes gens, & ceux qui ne l’eſtoient pas : ſi bien que Cleodore qui n’eſtoit accouſtumée qu’à voir des perſonnes choiſies, ſe trouva bientoſt importunée de cette multitude de monde, & ſa complaiſance n’alla pas fort loin. Elle en parla donc à Leoniſe à diverſes fois : mais comme elle n’eſtoit pas de l’humeur de ſa Parente, & qu’elle eſtoit un peu plus jeune qu’elle, elle ne pouvoit ſe reſoudre à bannir des gens qui la cherchoient : & qui luy teſmoignoient avoir de l’eſtime pour elle. Si bien qu’elle ſe contentoit de dire à Cleodore, qu’elle ne pouvoit jamais faire d’incivilité à perſonne : &
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