Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/498

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veux vivre abſolument comme il vous plaira. Ha Madame (interrompit Beleſis parlant à Cleodore) il ne faut pas s’il vous plaiſt apres cela, faire le moindre reproche à Leoniſe : à ce que je voy, luy dit Cleodore, vous eſtes deſja devenu complaiſant avec excès en la voyant : car ne diroit on point, à vous entendre parler, que j’ay tous les torts du monde, & que Leoniſe a raiſon ? vous, dis-je, qui m’avez dit plus de mille fois en voſtre vie, que la multitude eſtoit une choſe qui vous eſtoit ſi inſuportable, que meſme celle des honneſtes gens ne vous eſtoit pas commode ; & que des que la converſation alloit au de là de trois ou quatre, elle n’eſtoit plus charmante pour vous. Cependant vous n’avez pas dit un mot, pour fortifier mon Party : & voſtre ſilence a tellement fortifié celuy de Leoniſe, qui je ſuis aſſurée que dans le fonds de ſon cœur elle croit que ſi vous n’avez point parlé, ç’a eſté par diſcretion : & parce que vous ne me vouliez pas condamner. Mais Madame, luy dit il, je penſe que voyant que Leoniſe vous cede, vous venez chercher à me faire une nouvelle guerre : il n’eſt pourtant juſte ce me ſemble, de me faire entrer en part d’un choſe où je n’ay point d’intereſt. Il eſt vray, dit elle avec un ſous-rire piquant, que quand on va en un lieu où la perſonne qui tient la converſation n’eſt pas agreable, on eſt bien aiſe d’y en trouver beaucoup d’autres : on y fait meſme ſes affaires, adjouſta t’elle, car Leoniſe ne vous y trompez point (pourſuivit Cleodore ſans donner loiſir à Beleſis de parler) la plus part de ces gens qui vont dans ces Maiſons qui ſont auſſi publiques que les Temples, s’y entre-cherchent bien ſouvent : ou du moins y cherchent leur commodité. Si c’eſt en Hiver ils cherchent les Chambres chaudes : en Eſté ils choiſiſſent