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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/506

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dans ſa Chambre, pour luy rendre le Portrait de Cleodore, comme je l’ay deſja dit : mais comme il ne voulut pas d’abord luy parler ſerieuſement, afin de mieux deſcouvrir ſes veritables ſentimens ; ſi la vertu de Cleodore (luy dit il en luy rendant cette Peinture) m’eſtoit moins connue, je croirois que vous l’avez eſpouſée ſecrettement ſans le conſentement de ſes Parens & des voſtres : car comme c’eſt la couſtume de beaucoup d’Amans de ne ſe ſoucier plus guere de toutes les petites choſes que leurs Maiſtreſſes leur ont donnés quand ils les poſſedent, je pourrois penſer que puis que vous avez pû eſtre trois jours ſans vous apercevoir que vous aviez perdu le Portrait de Cleodore ; & que vous ne prenez plus le ſoin que vous aviez accouſtumé d’avoir de ſes Lettres, il faudroit que ce fuſt parce que vous ſeriez ſi heureux d’ailleurs, que vous n’auriez plus beſoin ny de Portraits, ny de Lettres, pour vous conſoler dans vos ſouffrances. Il eſt vray, adjouſta t’il, que je vous voy ſi chagrin, qu’il n’y a perſonne qui puſt penſer que vous fuſſiez fort content : c’eſt pourquoy ne pouvant penetrer juſques au fons de voſtre cœur, je vous conjure de me dire s’il faut que je me reſjouïſſe ou que je m’afflige aveque vous : car ſi vous ne me dittes vos veritables ſentiments, j’iray les demander à Cleodore, qui à mon advis les doit sçavoir. Eh de grace Hermogene, dit Beleſis, n’allez pas luy dire que j’ay perdu ſon Portait ſans m’en apercevoir, & laiſſé ſes Lettres en lieu où elles pouvoient eſtre veuës ! Dittes moy donc, reprit Hermogene, quel eſt le changement que je voy en voſtre humeur : ne ſuffit il pas que vous connoiſſiez celle de Cleodore, reprit il, pour ne demander jamais raiſon de la mienne ? L’humeur de Cleodore, repliqua Hermogene, eſt preſentement ſi égalle