pour vous & ſi douce, que celle de Leoniſe ne l’eſt pas plus pour tout le monde, que celle de Cleodore l’eſt pour Beleſis. Ha Hermogene (s’eſcria cet Amant inconſtant, emporté par l’excès de ſa nouvelle paſſion) plûſt aux Dieux que Cleodore euſt touſjours eſté de l’humeur de Leoniſe : de Leoniſe, dis-je, ſur le viſage de laquelle je n’ay pas veû un moment de chagrin, depuis que je la connois : & de qui les beaux yeux ſont des Aſtres ſans nuages, qui brillent touſjours égallement. Je penſois (repliqua Hermogene, en regardant fixement Beleſis) qu’un honme amoureux ne trouvoit de beaux yeux que ceux de ſa Maiſtreſſe ; mais à ce que je voy, ceux de Leoniſe vous plaiſent auſſi bien que ceux de Cleodore. Beleſis revenant alors à luy meſme, rougit du diſcours de ſon Amy : & luy fit ſi bien conprendre, qu’il y avoit quelque grand changement dans ſon ame, qu’enfin prenant la parole ; advoüez la verité, luy dit il, & dittes moy franchement ſi je me trompe, lors que je croy que Leoniſe prend la place de Cleodore dans voſtre cœur : & que ſi elle ne l’en a chaſſée, repliqua Beleſis, elle l’en chaſſera bien-toſt. Cruel Amy, quel plaiſir prenez vous à vouloir que je vous advoüe ma foibleſſe ? Quoy, repliqua Hermogene, il eſt donc bien vray que vous aimez Leoniſe, & que vous n’aimez plus Cleodore ! Je ne sçay, luy dit il alors, ſi je n’aime plus Cleodore : mais je sçay bien que j’aime éperdûment Leoniſe. Il n’eſt donc pas douteux, reſpondit il, que Cleodore n’eſt plus aimée de vous : car on n’en peut pas aimer deux à la fois : cependant j’advoüe, pourſuivit Hermogene, que je ne puis pas que je ne vous blaſme un peu : car enfin l’inconſtance eſt une foibleſſe inexcuſable, ſi ce n’eſt par l’infidelité, ou par l’exceſſive rigueur de la Perſonne
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