Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/52

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Cleandre les faiſant apercevoir qu’il eſtoit temps de s’aller repoſer à un Chaſteau qui eſt à l’extremité du Parc, au bord de l’Eſtang de Gyges, à l’oppoſite du Tombeau d’Alliatte : ces Princeſſes & ces Princes prirent tous enſemble le chemin de ce Chaſteau, où une ſuperbe Colation, & une excellente Muſique les attendoit. En y allant, Mexaris marcha touſjours aupres de Panthée, mais il n’y fut pas en eſtat de l’entretenir avec liberté : parce que le Prince Abradate fut auſſi touſjours aupres d’elle. Cependant le pauvre Perinthe alloit derriere eux, bien affligé de remarquer que la beauté de Panthée ſe faiſoit des admirateurs de tous ceux qui la voyoient. Il avoit pourtant, à ce qu’il m’a dit, cette bizarre conſolation, de penſer que tres rarement les perſonnes de ſa qualité ſont elles mariées à des Princes qui les aiment : & de pouvoir eſperer, que ſi quelqu’un la poſſedoit un jour, ce ſeroit peut-eſtre quelque Prince qu’elle eſpouseroit par raiſon d’Eſtat, & non pas par effection. Mais durant qu’il s’entretenoit ainſi, Doraliſe & moy remarquaſmes qu’Abradate regarda touſjours Panthée, avec unes attention extraordinaire : non ſeulement pendant le chemin que nous fiſmes pour aller juſques à ce Chaſteau, mais meſme durant la Colation & la Muſique : On euſt dit qu’elle eſtoit ſeule belle en cette Compagnie : ce n’eſt pas qu’il fuſt incivil, & qu’il ne rendiſt tout le reſpect qu’il devoit à la Princeſſe de Lydie : mais apres tout, il eſtoit aiſé de diſcerner par ſes regards, que la beauté de la Princeſſe de Claſomene touchoit plus ſon cœur que celle des autres. Mexaris s’en aperçeut auſſi bien que nous, & Perinthe encore mieux : & je penſe meſme que Panthée connut dés ce premier jour, une partie du prodigieux effet que ſa