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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/558

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voy bien qu’il ne l’eſt pas, car cette Riviere ne me flatte non plus que luy. Beleſis ne ſoupçonnant rien de ſon deſſein, ſe mit à la contredire : & à lüy vouloir perſuader, comme il eſtoit vray, qu’elle n’avoit jamais eſté plus belle : croyant qu’elle ne parloit ainſi, que pour l’obliger à n’en tomber pas d’accord : quoy que ce ne fuſt pas trop la couſtume de Cleodore, d’eſtre capable de tant de petites foibleſſes, dont preſques toutes les Belles ne ſe peuvent deffendre. Beleſis eſtant donc dans ce ſentiment là, luy dit, croyant bien la contenter, qu’il ne l’avoit pas trouvée plus belle, le jour qu’il arriva à Suſe : je sçay bien du moins, reprit Cleodore, que j’eſtois un peu moins mal que je ne ſuis, le jour que je me fis peindre pour vous : & je m’aſſure adjouſta t’elle malicieuſement, que ſi vous voulez regarder mon Portrait, il vous reprochera la flatterie que vous me faites : & me reprochera à moy meſme mon changement. Pour vous montrer (luy dit il, afin de ne luy faire pas voir ſon Portrait de peur qu’elle ne viſt celuy de Leoniſe) que je vous trouve plus belle que voſtre Peinture, je ne veux pas la regarder preſentement que je ſuis aupres de vous : aimant beaucoup mieux vous voir qu’elle. Flatterie à part, luy dit Cleodore, je vous prie de me la montrer : je voudrois bien le pouvoir faire, luy dit il, pour vous faire voir l’outrage que vous vous faites à vous meſme, en parlant mal de voſtre beauté : mais je ſuis ſi malheureux que je l’ay laiſſée aujourd’huy dans mon Cabinet ſans y penſer. En diſant cela, Beleſis changea de viſage, & Cleodore en changea auſſi : car elle connut bien qu’il ne diſoit pas la verité. Mais pour donner un pretexte à l’eſmotion qui paroiſſoit dans ſes yeux malgré elle ; je ne vous avois