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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/571

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dans le deſſein de bannir Beleſis : cherchant enſemble quel pretexte elles pourroient trouver, pour faire que leur Tante ne le trouvaſt pas mauvais. Cependant comme Leoniſe ne ſe ſentit pas l’ame aſſez ferme pour diſſimuler bien ſa douleur ce jour là, elle pria Cleodore de dire qu’elle ſe trouvoit mal, & qu’on ne la voyoit point : & en effet elle ſe mit au lict, afin de pouvoir peut-eſtre cacher quelques larmes qu’elle n’euſt pû retenir : apres quoy Cleodore s’en alla au Temple, attendant l’apres-diſnée avec beaucoup d’impatience : car elle s’imagina bien, que Beleſis ne manqueroit pas d’aller luy faire une viſite à ſa Chambre, sçachant ce qu’elle luy avoit dit. Il n’y fut pourtant pas d’auſſi bonne heure qu’elle l’avoit eſperé, car il aprehendoit tellement qu’elle n’euſt veû le Portrait de Leoniſe, qu’il fut tres long temps ſans pouvoir ſe reſoudre à voir Cleodore. Mais enfin voyant que quand il auroit bien differé, il faudroit touſjours la voir, il y fut ; mais il y fut avec des ſentimens, que luy meſme ne connoiſſoit pas : car bien qu’il ſouhaitaſt ardemment, qu’Hermogene ne fuſt point aimé de Cleodore, il ne laiſſoit pourtant pas d’eſtre toujours auſſi amoureux de Leoniſe, qu’il l’avoit jamais eſté : quoy qu’il euſt pourtant conſervé beaucoup de reſpect pour Cleodore. Mais encore qu’il ſentiſt qu’il ne pouvoit s’empeſcher de la craindre, il s’imagina touteſfois qu’il n’aprehendoit qu’elle sçeuſt la trahiſon qu’il luy faiſoit, que par un ſentiment d’amour. Eſtant donc aſſez inquiet, & craignant meſme, que Leoniſe ne trouvaſt mauvais, qu’il euſt tant entretenu Cleodore le jour auparavant ; & qu’il allaſt encore à ſa Chambre devant que d’aller à la ſienne : il partit de chez luy fort reſveur, & arriva fort melancolique