chez Cleodore. Pour elle, comme elle eſperoit, que Leoniſe ſans en avoir le deſſein, la vangeroit de Beleſis : elle avoit quelque joye ſur le viſage, ce qui le raſſura extrémement : croyant que ſi Cleodore, euſt veû le Portrait de Leoniſe, elle ne luy euſt pas paru auſſi tranquile qu’il la voyoit. Et bien Madame, luy dit il, n’avez vous pas trouvé, que vous eſtes plus belle que voſtre Portrait ; voſtre Miroir ne vous a t’il pas convaincuë d’erreur ; & n’eſtes vous pas dans l’opinion où je ſuis, que vous eſtes mille fois plus aimable que voſtre Peinture ? Je ne sçay pas, luy elle, ſi vous avez tort, ou ſi vous avez raiſon, de dire ce que vous dittes : mais du moins sçay-je bien qu’il y a un Portrait dans la Boiſte que je vous ay priſe, que vous trouvez plus beau que le mien, & plus beau que moy. En diſant cela, Cleodore rougit de colere, & Beleſis paſlit de crainte, & d eſtonnement, n’ayant pas ſeulement la force d’ouvrir la bouche : car encore, qu’en allant chez Cleodore, il euſt ſongé à ce qu’il diroit, ſi par malheur elle avoit veû le Portrait de Leoniſe : il ne trouva pourtant rien à dire. De ſorte que Cleodore voyant qu’il ne parloit pas : vous avez raiſon Beleſis, luy dit elle, vous avez raiſon, de n’entreprendre pas de vous excuſer : car vous le feriez ſi mal, que vous ne feriez qu’augmenter ma colere, ſi touteſfois quelque choſe la peut augmenter. Je sçay bien Madame, luy dit il alors, que vous avez lieu de me croire bien criminel, puis que vous avez veû le Portrait de Leoniſe : & je sçay encore de plus, interrompit elle, que vous ne me perſuaderez jamais le contraire. Car enfin, pour vous eſpargner la peine de me dire de mauvaiſes raiſons, & d’inventer cent menſonges : je sçay tout ce qui s’eſt paſſé, entre Leoniſe & vous : vous ne luy avez pas dit une parole que je ne sçache, ſoit
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