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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/574

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rigueurs qui ont laſſé voſtre patience ; puis que tant que j’ay elle rigoureuſe vous m’avez aimée : & que quand j’ay commencé de l’eſtre moins, vous avez changé de ſentimens. Ce n’ont pas eſté non plus mes faveurs, qui ont détruit voſtre amour : car graces aux Dieux, je ne vous en ay pas accablé. Quelle eſt donc la cauſe de voſtre inconſtance, ſuis-je plus ſtupide que je n’eſtois, ou d humeur plus inégale ? au contraire, j’ay à me reprocher de m’eſtre changée pour l’amour de vous. Parlez donc Beleſis, mais parlez moy comme ſi je n’eſtois point Cleodore, & dittes moy preciſément, comment Leoniſe m’a chaſſée de voſtre cœur : car je ſeray bien aiſe de sçavoir ſi j’en ſuis ſortie de voſtre gré, ou aveque violence ; ſi ç’a eſté par voſtre propre foibleſſe, ou par ma faute ? Beleſis ſe trouvant ſi preſſé par Cleodore, ne sçavoit pas trop bien que luy reſpondre : car il avoit tant de honte de ſon inconſtance, qu’il ne pouvoit reſoudre à l’advoüer. D’autre par il voyoit bien qu’il ne la pouvoit nier : & il jugeoit encore que quand il feroit ſemblant de s’en repentir, & que Cleodore luy voudroit pardonner, ce ne ſeroit qu’à condition d abandonner Leoniſe, ce qu’il ne pouvoit pas faire. De ſorte, que ne sçachant que reſoudre, il reſpondit ſi ambigûment à Cleodore, qu’elle s’en fâcha preſques autant que de ſon inconſtance. Car enfin, luy dit elle, apres qu’il eut ceſſé de parler, la ſincerité eſt une choſe que tout le monde peut avoir : le veux bien croire, pourſuivit Cleodore, que vous ne pouvez plus m’aimer, & que vous ne pouvez pas auſſi n’aimer plus Leoniſe : mais vous pouvez du moins m’advoüer la verité, & de n’adjouſter pas la fourbe, à la foibleſſe. Que voulez vous que je vous die, repliqua Beleſis, ſi je ne sçay pas preſentement