Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/580

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obliger Beleſis qui eſt entre ſans permiſſion, à me laiſſer en repos & en ſolitude, qui eſt un aſſez grand remede pour la douleur que je ſens. Cette Dame l’entendant parler ainſi & voyant qu’elle avoit les yeux fort gros, & le viſage fort rouge, creut aiſément qu’elle avoit mal à la teſte : de ſorte que preſentant la main à Beleſis, elle l’obligea de la ſuivre : luy diſant en riant qu’elle vouloit luy aprendre une choſe qu’il ne sçavoit peut-eſtre pas : qui eſtoit de ne voir jamais les Dames qu’aux heures où elles veulent eſtre veuës. Car enfin, luy die elle, je ſuis la plus trompée du monde, ſi Leoniſe vous pardonne de long temps de l’avoir veuë negligée : du moins sçay-je bien que la rougeur que j’ay remarquée ſur ſon viſage, eſtoit aſſurément un peu meſlée de colere. Beleſis fit alors cent excuſes à cette Dame : voulant du moins eſtre bien avec celle qui eſtoit en pouvoir de le reçevoir chez elle ou de l’en chaſſer. Mais comme il avoit l’eſprit eſtrangement inquiet, il ne luy reſpondit pas long temps de ſuitte : & il s’egara quelquefois ſi fort, que croyant que c’eſtoit qu’il s’ennuyaſt avec elle, & qu’il ne peuſt ſouffrir que les jeunes Perſonnes, elle s’en fâcha, & luy dit meſme quelque raillerie piquante ſur cela : ſi bien que le pauvre Beleſis ſortit de cette Maiſon mal avec toutes celles qui l’habitoient, & ſi mal avec luy meſme qu’il ſe pleignoit encore plus de luy que des autres. Il s’accuſoit quelqueſfois d’eſtre inconſtant, & ſe repentoit d’avoir quitté Cleodore : mais il n’avoit pas pluſtoſt eu ce ſentiment là, qu’il l’abandonnoit, & ſe vouloit mal de ce qu’il conſervoit encore tant de reſpect pour elle. Apres cela, il ſe pleignoit de la facilité que Leoniſe avoit euë à la croire : en ſuitte il accuſoit Cleodore de ſon ancienne inégalité, &