Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/594

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eu le deſſein, il fut ſe promener dans une grande Place qui eſt derriere le lieu où il demeuroit, & où il ne paſſoit que peu de monde. Apres avoir donc bien reſvé, & bien excité ſa colere il forma la reſolution d’empeſcher ce Mariage, à quelque prix que ce fuſt : & l’amour qu’il avoit euë autrefois pour Cleodore, commença de reprendre tant de force dans ſon cœur, qu’il eſtoit luy meſme eſtonné de ce qu’il ſentoit. Eſtant donc dans des ſentimens ſi bizarres & ſi extraordinaires, il reprit le chemin de la Maiſon d’Hermogene : mais en y allant, il rencontra Cleodore, qui eſtoit dans un Chariot. Comme ſon voile eſtoit levé, il la vit ſi belle ce jour là, qu’elle ne l’avoit jamais tant eſté à ſes yeux : mais comme elle l’aperçeut, & qu’il ſe preparoit à la ſalüer, elle deſtourna la teſte mépriſamment : & par cette action ralluma encore plus fort le feu qui recommençoit de le bruſler avec tant de violence. Beleſis continuant donc ſon voyage, fut chez Hermogene, où je me rencontray fortuitement : mais comme il sçavoit que je n’ignorois pas tout ce qui s’eſtoit paſſé entre eux, ma preſence ne l’empeſcha pas de luy parler. Il ne fut donc pas pluſtoſt entré, qu’adreſſant la parole à Hermogene, ne voulez vous pas, luy dit il, me reſtituer le bien que vous m’avez oſté, & que je n’avois fait que vous confier ? Si c eſt de mon amitié que vous entendez parler, repliqua Hermogene, je puis vous aſſurer que je ne vous l’ay jamais oſtée : & qu’ainſi il vous eſt aiſé de la retrouver. Non Hermogene, luy dit il, ce n’eſt pas ce que j’entend, car je ne doute point que malgré toutes mes bizarreries, vous ne me l’ayez côſeruée : mais c’eſt Cleodore, que je vous demande, Cleodore, dis-je, que je vous ay prié de feindre d’aimer, mais que je