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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/599

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mit à luy redemander le Portrait qu’il en avoit. Mais Hermogene luy repliqua, qu’il ne devoit point entrer en connoiſſance, s’il avoit eſté à luy, ou non ; qu’il ſuffiſoit qu’il l’avoit reçeu de Cleodore, & qu’ainſi il ne le luy rendroit pas. comme j’avois condamné Hermogene, un moment auparavant, lors qu’il s’eſtoit obſtiné a ne vouloir pas que Beleſis par laſt à Cleodore : je condamnay en ſuitte Beleſis, lors qu’il voulut preſſer ſon Amy, de luy rendre un Portrait qu’il ne tenoit pas de luy. Cependant craignant eſtrangement, qu’eſtant ſeul avec eux, je ne puſſe à la fin empeſcher qu’ils ne s’aigriſſent trop, ie leur dis qu’eſtant tous deux poſſedez d’une paſſion trop violente, pour pouvoir parler de leurs intereſts avec moderation ; je les priois de vouloir ne sçavoir à l’advenir leurs pretentions que par moy : adjouſtant que quand ils ſeroient ſeparez, je leur dirois des choſes, que je ne leur pouvois pas dire en leur preſence.

De ſorte que meſnageant leur eſprit le mieux que je pûs, je fis qu’ils ſe quiterent ſans s’eſtre querellez : en ſuitte dequoy, je fus tantoſt vers l’un, & tantoſt vers l’autre ſans sçavoir de quel coſté me ranger En effet quand l’eſtois avec Beleſis, il me faiſoit pitié, tant il avoit de repentir de ſon inconſtance : & quand je voyois Hermogene, il me perſuadoit qu’il avoit raiſon ; car enfin, me diſoit il, ſi Beleſis n’euſt point abandonné Cleodore, non ſeulement je n’en fuſſe point devenu amoureux, mais quand meſme je l’aurois aimée, je n’en euſſe jamais rien teſmoigné, par le reſpect que j’euſſe eu pour noſtre amitié. Mais apres m’avoir forcé à la voir ſouvent, & m’avoir prié de feindre que j’avois de la paſſion pour elle ;