Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/607

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à vous dire, ſi ce n’eſt de vous aſſurer, que lors que vous me quittaſtes pour Leoniſe, j’avois pour vous des ſentimens, qui meritoient que vous fuſſiez. plus fidelle que vous ne l’avez eſté. Il vous eſt aiſé de juger parce que je dis, adjouſta t’elle, que quelque glorieuſe que je ſois, la vangeance l’emporte ſur la gloire, puis que pour vous faire dépit, je vous advoüe les ſentimens advantageux que j’ay eu pour vous. Mais pour rabatre un peu voſtre orgueil, je vous diray que vous devez en tirer une conſequence infaillible, qui eſt que ſi je les avois encore, je ne vous dirois pas que l’en ay eſté capable. Cleodore en achevant ces paroles ſe leva : & quoy que Beleſis peuſt luy dire, elle le quitta, ſe pleignant meſme de celle qui l’avoit trompée d’une maniere peu obligeante pour luy,

Mais Seigneur, ce qu’il y eut d’admirable en cette rencontre, fut que cette converſation produiſît des effets bien differens, dans le cœur de Cleodore, & dans celuy de Beleſis. Car cette imperieuſe Fille, eut une aſſez grande joye, d’avoir connu connu avec certitude dans les yeux de Beleſis, qu’il eſtoit encore pour elle ce qu’il avoit eſté autrefois. Ce ne fut pourtant pas dans le deſſein de luy pardonner, mais ſeulement, parce qu’elle eſpera le rendre plus malheureux. De ſorte qu’elle commença de parler à tout le monde de ſon Mariage avec Hermogene, comme d’une choſe qui luy eſtoit fort agreable Pour Beleſis, il ſortit d’avec Cleodore, plus amoureux qu’il ne l’avoit jamais eſté ; ſi bien que s’eſtonnant luy meſme de l’amour qu’il avoit euë pour Leoniſe, & la regardant alors comme eſtant cauſe qu’il avoit perdu Cleodore, il vint preſques à la haïr. Eſtant donc dans un deſeſpoir qui n’eut jamais d’eſgal, il me vint retrouver pour me dire que Cleodore eſtoit inexorable : mais qu’apres tout il n’endureroit pas qu’Hermogene l’épouſaſt. Je