fis ce que je pûs pour luy remettre l’eſprit, il n’y eut touteſfois pas moyen : je voulus le faire reſſouvenir qu’il avoit dit à Hermogene, que ſi Cleodore le choiſiſſoit quand il l’auroit entretenue, il le laiſſeroit en repos : mais il me dit que l’on n’eſtoit pas obligé à tenir des promeſſes, dont l’execution eſtoit impoſſible. Si bien, que ne sçachant comment empeſcher le malheur que je craignois, je fus contraint de faire haſter ce que j’avois aprehendé : je veux dire de faire en ſorte, que le Prince de Suſe fiſt commander à Beleſis de ſortir de la Ville, comme je sçavois qu’il le devoit faire : eſperant que l’abſence, & le temps gueriroient Beleſis, de la paſſion qu’il avoit dans l’ame. Mais quoy que Beleſis reçeuſt ce commandement dés le meſme jour, il n’obeït pourtant pas ſi promptement : il le ſit neantmoins en aparence, car il ſe cacha quelques jours dans la Ville. Durant cela il eſcrivit diverſes fois a Cleodore : ſans qu’elle luy vouluſt reſpondre, il vit meſme Hermogene encore une fois, mais en le voyant un ſoir chez luy, Hermogene luy parla avec de ſi puiſſantes raiſons, qu’il fut contraint de le quitter, ſans le quereller, comme il en avoit eu le deſſein. Car enfin dans les plus violens tranſports de l’amour de Beleſis, il a pourtant touſjours conſervé de l’amitié pour Hermogene. Pendant qu’il eſtoit dans le Cabinet d’Hermogene il vit le Portrait de Cleodore ſur une Caſſette, où celuy entre les mains de qui il eſtoit preſentement, le mettoit tous les ſoirs : de ſorte qu’emporté par ſa paſſion, il le prit durant que ſon Amy eſtoit allé parler à quelqu’un qui l’avoit demandé. l’advoüe que le luy vy faire ce larcin, mais comme je sçavois qu’Hermogene devoit bien toſt eſpouſer Cleodore : & que Beleſis devoit partir dans deux jours : je ne m’
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