Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/614

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la choſe, en fut extrémement affligé : non ſeulement parce qu’il luy eſtoit faſcheux d’aprendre que la Perſonne qu’il aimoit ſouffroit : non ſeulement parce que ſon bonheur eſtoit reculé ; mais encore parce qu’il ſoupçonna quelque choſe de la verité. Il fut donc en diligence pour voir Cleodore : mais on luy dit par ſes ordres, qu’elle venoit de s’endormir. Il y retourna pourtant tant de fois, qu’elle fut contrainte de le voir : mais elle luy parla peu : encore ne fut-ce que pour ſe pleindre des maux qu’elle diſoit ſentir, & qu’elle ſentoit effectivement, quoy que ce ne fuſt pas de la maniere qu’elle les dépeignoit. Ainſi il falut de neceſſité, qu’Hermogene conſentiſt qu’on ne ſongeaſt point à ſes Nopces pour le jour ſuivant : & que Tiſias plus heureux que luy, eſpouſast Leoniſe, qui ayant les yeux eſbloüis de la magnificence qui l’environnoit, n’eut que quelques momens de reſverie le jour de cette grande Feſte : encore furent ils remarquez de ſi peu de Perſonnes, que je fus preſques le ſeul qui m’en aperçeus. Pour Hermogene, il n’avoit garde de s’en aperçevoir, car il ne voulut point s’y trouver, quoy que toute la Cour y fuſt. Mais pendant que la joye eſtoit reſpanduë dans le Palais du Roy, où le Prince de Suſe voulut que la ceremonie des Nopces de Tiſias ſe fiſt, Cleodore eſtoit dans ſon lict, avec une douleur inconcevable. Tantoſt elle ſe repentoit de n’avoir pas pardonné à Beleſis : une autrefois elle trouvoit qu’elle avoit eu tort d’avoir ſi bien traitté Hermogene : un moment apres elle aprouvoit ce quelle avoit condamné auparavant : & paſſant d’un ſentiment à l’autre, elle ne trouvoit repos en nulle part : principalement quand elle venoit à penſer, qu’elle ne verrait peut-eſtre jamais Beleſis, qui eſtoit le ſeul