Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/616

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les eſtrangers, où nous fuſmes quelque temps à attendre ; apres quoy une porte qui donne dans l’enclos des Vierges s’ouvrit, d’où nous viſmes ſortir Cleodore, accompagnée de deux Femmes : mais avec tant de melancolie ſur le viſage, qu’elle auroit attendry l’ame la plus dure. Auſſi Hermogene en fut il ſi eſmeû, ſi ſurpris, & ſi fâché, qu’il n’eut pas la force de luy teſmoigner ſon eſtonnement : apres donc qu’elle ſe fut aprochée de nous, & que nous l’euſmes ſalüée, elle s’aſſit, & nous fit mettre aupres d’elle.

En ſuitte dequoy prenant la parole, je ne doute point, dit elle à Hermogene, que ce que je m’en vay vous dire ne vous afflige : auſſi ay-je voulu vous le faire sçavoir en un lieu, où le reſpect que vous devez à la Deeſſe qu’on y adore, vous obligera peut-eſtre à le recevoir avec plus de moderation. De grace Madame, luy dit Hermogene, ne mettez pas ma vertu à la derniere eſpreuve : & ſongez bien auparavant que de me dire ce que vous avez à me faire sçavoir, ſi je puis l’aprendre ſans mourir, ou ſans perdre le reſpect que je dois aux choſes les plus ſacrées. Comme je connois par mon experience, reprit elle, que l’on ne meurt pas de douleur, & que j’ay meilleure opinion de voſtre ſageſſe que vous meſme, je ne craindray point de vous dire la reſolution que j’ay priſe : sçachez donc, pourſuivit Cleodore, que je ſerois indigne de l’affection que vous avez pour moy, ſi je vous eſpouſois, apres avoir deſcouvert des ſentimens dans mon cœur, depuis le départ de Beleſis, qui me font voir que je ne ſuis pas en eſtat de vous pouvoit rendre heureux. Quoy Madame, interrompit Hermogene, vous tromperiez l’eſperance que vous m’avez donnée ! Je la tromperois bien davantage, repliqua t’elle, ſi je ſongeois à la ſatiſfaire :