Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/617

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puis que j’entreprendrois une choſe qui n’eſt pas en ma puiſſance. Car enfin je puis vous dire avec verité, que depuis trois jours, j’ay continuellement combatu pour vous contre moy meſme, ſans me pouvoir vaincre : de ſorte que voyant qu’il m’eſtoit abſolument impoſſible de vous donner mon affection : comme je l’avois donnée à Beleſis ; & que par conſequent je vous rendrois malheureux, & augmenterois mes ſouffrances ; j’ay creû qu’il faloit faire un grand effort ſur moy meſme, pour me dégager de tous les attachemens que je puis avoir au monde : afin de donner le reſte de mes jours au ſervice de la Deeſſe que l’on adore icy. Voila Hermogene, ce que j’avois à vous dire : c’eſt à vous à me faire voir par un conſentement volontaire, que vous avez encore plus de vertu que d’amour. Ha Madame, repliqua t’il, je ne ſuis point capable de ſouffrir cette avanture ſans murmurer, & ſans m’y oppoſer de toute ma force ! Je ne vous conſeille pas de le faire, reprit elle, puis que vous le feriez inutilement. Mais Madame, luy dit il, ſi vous aimiez encore Beleſis, pourquoy ne luy avez vous point pardonné ? & ſi vous ne l’aimez plus pourquoy n’achevez vous pas de me rendre heureux ? Ne me forcez point, reſpondit elle, à vous redire preciſement qui s’eſt paſſé dans mon cœur : car comme je ſuis reſoluë d’oublier toutes mes foibleſſes, je ne veux pas m’en refraiſchir la memoire. Ce qu’il y a de vray eſt, que je ne retourneray point à Suſe : peut-eſtre Madame, luy dis-je, que pendant les trois années où vous ferez les eſpreuves neceſſaires, auparavant que de vous engager pour touſjours, voſtre volonté changera : je ne le penſe pas, repliqua t’elle, car ce n’eſt pas ma couſtume de changer de ſentimens : & ſi j’en avois pû