Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/618

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changer, ç’auroit eſté en faveur d’Hermogene. Au nom des Dieux Madame (luy dit il, tranſporté de douleur & de deſeſpoir) ne vous enfermez point icy : ſi c’eſt, adjouſta t’il, que vous ne me jugiez pas digne de l’honneur que vos Parens m’ont fait, privez m’en pour touſjours ; mais ne privez pas le monde de ſon plus bel ornement. Croyez Hermogene reſpondit elle, que puis que je n’y ay pû vivre pour Beleſis, ſi j’avois eu à y demeurer, ç’auroit eſté pour vous ſeulement : mais enfin c’eſt ma deſtinée qui m’apelle au lieu où je ſuis : & il ne vous reſte autre choſe à faire qu’à vous y conformer. Comme Hermogene alloit reſpondre, la meſme porte par où Cleodore eſtoit entrée où nous eſtions, s’ouvrit une ſeconde fois : elle ne fut pas pluſtoſt ouverte, que je vy qu’elle donnoit dans un grand & magnifique Veſtibule, où celle qui gouvernoit ces Vierges ſacrées, parut avec un habillement d’un blanc un peu jaunaſtre, & tenant une Gerbe d’or, accompagnée de grand nombre de Filles avec le meſme habit, & des Eſpics d’or à la main. Mais à peine ſe furent elles rangées derriere elle, qu’elle apella Cleodore : qui nous quittant, apres m’avoir prié de faire sçavoir à ſa Tante le lieu où elle eſtoit, & apres avoir ſalüé Hermogene les larmes aux yeux, s’en alla vers cette porte, où celle qui devoit faire la ceremonie la reçeut & la fit entrer ; toutes ces Filles commençant de chanter un Hymne à la gloire de Cerés, auſſi toſt qu’elle fut avec elles, & que la porte fut refermée. Mais Dieux, que ce chant fut lugubre pour Hermogene, & en quel pitoyable eſtat je le vy ! Cependant il eut beau ſe pleindre, il n’y eut plus moyen de parler à Cleodore que l’on avoit menée au Temple, ny meſme à pas une de ces Vierges ; &