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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/636

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la veuë d’Abradate, dés qu’elle ne le vit plus, elle s’eſvanoüit : & ſes Femmes furent contraintes de la porter ſur ſon lict. Cependant jamais on n’a rien veû de ſi magnifique, que l’eſtoit cette grande Armée : car non ſeulement Cyrus, le Roy d’Aſſirie, Mazare, & tous les autres Princes eſtoient ſuperbement armez ; mais encore tous les Capitaines : & il n’y avoit pas meſme un ſimple Soldat, qui du moins n’euſt rendu ſes Armes claires & luiſantes, s’il ne les avoit pû avoir belles & riches : de ſorte que le Soleil eſtant ce jour là ſans aucun nuage, fit voir en la marche de cette Armée, le plus bel objet qui ſoit jamais tombe ſous les yeux. Toute la Cavalerie avoit des Caſques d’Airain bruny, auſſi bien que le reſte des Armes, des Pennaches blancs ; des Cottes d’armes incarnattes ; & des Javelots à la main garnis de cuivre doré, ou d’orfevrerie. Pour Cyrus, ſes Armes eſtoient ces meſmes Armes d’or qu’il avoit portées a la Bataille qu’il avoit gagnée contre le Roy d’Aſſirie : luy ſemblant que puis qu’elles luy avoient eſté ſi heureuſes : il devoit encore s’en ſervir en une occaſion qui n’eſtoit pas moins dangereuſe, & qui ne luy eſtoit pas moins importante. Le cheval qu’il monta avoit auſſi eu l’honneur de luy ſervir à pluſieurs de ſes victoires, & particulierement à celle là : de ſorte que le Roy d’Aſſirie reconnoiſſant ces Armes, qui eſtoient fort remarquables, en ſoupira : & ne pût s’empeſcher d’en dire quelque choſe à Cyrus. Veüillent les Dieux du moins, luy dit il, que ces Armes que vous portez, vous ſoient auſſi heureuſes contre Creſus, & contre le Roy de Pont, qu’elles vous le furent contre moy : eh veüllent ces meſmes Dieux, que je me ſerve mieux de celles que j’ay aujourd’huy, que je ne fis de celles que j’avois