de Lydie qui ne s’aſſuroit pas tant à la multitude de ſes Troupes, qu’il ne vouluſt encore ſonger à tout ce qui luy pouvoit eſtre avantageux, ſe raprocha de Thybarra : de ſorte que Cyrus fut extrémement ſurpris apres qu’il eut ſacrifié, & que le jour commença de paroiſtre, de voir que les Ennemis n’eſtoient plus où il les croyoit : jugeant bien alors qu’ils vouloient l’engager à combattre en un lieu deſavantageux pour luy. En effet ſi ce Prince n’euſt pas eſté auſſi prudent que vaillant, il ſe ſeroit expoſé à perdre toute ſon Armée inutilement, Thybarra eſtoit une Ville d’une medrocre grandeur, ſcituée ſur une agreable Coline, à cent trente ſtades de Sardis : au pied de cette Coline paſſoit une petite Riviere, qui en formant tout à l’entour un Marais aſſez eſtendu en rendoit l’abord difficile : de ſorte qu’il paroiſſoit aſſez que Creſus croyoit avoir beſoin de tout contre un Prince tell que Cyrus. Comme cét Heros eſtoit accouſtumé à chercher ſes Ennemis, & à ne les fuïr jamais, il fut ſe mettre en Bataille ſur la hauteur la moins eſloignée de Thybarra, & la plus oppoſée à celle où eſtoit Creſus ; teſmoignant avoir une ſi violente envie de combatre, qu’il eut beſoin de toute ſa prudence, pour s’oppoſer à l’ardeur de ſon courage, qui vouloit qu’il hazardaſt tout, pluſtoſt que de ne combatre point. Touteſfois venant à conſiderer que s’il perdoit la Bataille, ſa gloire recevroit une tache, & que Mandane ne ſeroit point delivrée, il examina la choie de plus prés. Il vit donc que l’Aiſle droite de Creſus, eſtoit à couvert de la ville de Thybarra, qui de ce coſté là eſtoit fortifiée naturellement par la chutte de pluſieurs Torrens, qui par la ſuitte des temps s’eſtoient faits des paſſages ſi profons, & ſi tortueux, qu’ils en rendoient l’abord tres difficile. Cyrus sçeut
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