Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/75

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peut dire qu’il ne s’eſt jamais fait une Feſte plus galante que celle là. Pour avoir un peu plus de temps à s’y preparer, Abradate obligea les Muſiciens à demander huit jours pour ſe concerter mieux qu’ils n’eſtoient : de ſorte que ſans croire que c’eſtoit par les ordres de ce Prince, on attendit ces huit jours : apres quoy on fut au lieu ou l’on devoit entendre la Muſique. Je ne vous diray point en particulier qui y eſtoit : car j’auray pluſtost fait de vous dire que toute la Cour s’y trouva. Je ne m’arreſteray pas non plus, à vous dépeindre exactement la magnificence d’Abradate : car elle fut telle, que je ne le pourrois pas. Je diray donc ſeulement, qu’il donna une Colation admirable : & par la politeſſe avec laquelle elle fut ordonnée & ſervie, & par l’abondance de tout ce que la Saiſon avoit de plus rare & de plus delicieux. Il remit auſſi grand nombre de Medailles d’or, entre les mains de la Princeſſe, où il avoit fait graver ſon Image, avec une Deviſe galante dont il ne me ſouvient pas : afin de les donner aux Muſiciens qu’elle en jugeroit dignes. De plus, pour avoir un pretexte de faire quelques preſens à toutes les Dames il y eut une quantité fort grande de diverſes ſortes de choſes, belles, bonnes, & agreables : comme des Parfums, des Eaux, des Poudres : & tout cela mis dans de petites Vaſes de quelque matiere precieuſe, avec des Billets pour pretexter ſa liberalité : qui les adreſſoient ou à celles ; qui auroient gardé le ſilence durant la Muſique ; ou à celles qui auroient le plus loüé les Muſiciens ; & ainſi ſur pluſieurs autres pretextes, où il y avoit de la galanterie & de l’eſprit, il n’y eut pas une Dame qui ne remportaſt dequoy ſe ſouvenir de cette Feſte. La Princeſſe meſme fut contrainte