Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/83

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qu’il ait jamais eu en ſa vie. J’en eſtois ſi peu digne, repliqua t’il, & je me ſerois ſi mal aquitté de la charge que j’avois priſe, que je ne ſuis marry de ne l’avoir plus. Quelque inclination que j’aye à vous ſouhaiter toute ſorte de gloire (reprit Abradate, à qui Doraliſe avoit adreſſé la parole) j’advouë touteſfois que je ſerois bien aiſe d’avoir empeſché que vous n’euſſiez pas vaincu la Princeſſe, qui ce me ſemble doit toujours vaincre : mais je vous advoüe en meſme temps, que je ſerois au deſespoir d’avoir oſté quelque avantage à Perinthe : c’eſt pourquoy je vous conjure de ne nous tenir pas davantage en inquietude, & de nous aprendre ce que vous voulez dire. En mon particulier, adjouſta Mexaris, je joints mes prieres à celles d’Abradate : afin que sçachant le mal que j’ay cauſé, je taſche d’y remedier. Comme la Princeſſe jugea bien que Doraliſe pouſſeroit la choſe juſques au bout, elle penſa qu’il valoit mieux n’en faire pas une fineſſe, qui pourroit plus nuire que ſervir : ſi bien que diſant ingenûment le ſujet de la diſpute, ſans dire comme vous pouvez penſer ce qui l’avoit fait naiſtre ; ces deux Princes dirent qu’ils ſeroient au deſespoir s’ils rompoient une ſi agreable converſation. Il eſt vray que Mexaris dit cela d’une façon plus contrainte qu’Abradate : ce n’eſt pourtant pas qu’il creuſt eſtre avare : mais je penſe du moins qu’il sçavoit bien qu’il n’eſtoit pas prodigue. Cependant Perinthe, qui par tant de ſentimens ſecrets qu’il avoit dans l’ame, eſtoit au deſespoir d’eſtre en ce lieu là, fit encore tout ce qu’il pût, pour ſe deffendre de prononcer ſur une matiere ſi delicate : mais Doraliſe, ſans eſcouter plus ce qu’il diſoit, voyant que la Princeſſe luy donnoit permiſſion de parler ; n’eſt il pas vray