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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/90

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fort bien connu qu’Abradate y avoit pris garde : ce Prince de ſon coſté cherchoit à expliquer cette rougeur favorablement pour luy : Mexaris au contraire, l’interpretoit à ſon deſavantage : & Perinthe ſans douter quel ſens il devoit donner à la choſe, croyoit ſi fortement que Panthée avoit quelque legere inclination pour Abradate, qu’il en devint plus malheureux qu’il n’eſtoit auparavant. Car encore que la rougeur ſoit quelqueſfois auſſi toſt une marque de colere que d’amour, les yeux d’un Amant ſont trop fins, pour ne faire pas cette difference & pour s’y pouvoir tromper. Auſſi Perinthe avoit il fort bien remarqué, que celle de Panthée n’avoit fait que l’embellir : & n’avoit pas excité un certain trouble ſur ſon viſage, qui eſt inſeparable de la colere : & qui fait qu’il y a une notable difference, de la rougeur qu’elle cauſe, à celle qui vient de modeſtie ſeulement, ou de je ne sçay qu’elle foibleſſe que je n’oſe nommer amour, puis que celles qui s’en trouvent capables ne l’appellent pas ainſi. Cependant la Compagnie ſe ſepara de cette ſorte : chacun emportant dans ſon cœur, le mal qui le tourmentoit. Il en faut touteſfois excepter Doraliſe, de qui l’humeur enjoüée ne luy permettoit pas de ſe faire de grands malheurs de petites choſes : & qui s’en alla auſſi gaye chez elle, que Mexaris & Perinthe s’en allerent melancoliques. Ce n’eſt pas que Mexaris ne creuſt que s’il vouloit demander Panthée au Prince de Claſomene, il ne l’obtinſt aiſément : mais il croyoit que par raiſon d’Eſtat, Creſus ne ſouhaitoit pas ce Mariage : de peur que mettant la Principauté de Claſomene entre les mains du plus riche Prince de Lydie, il ne pûſt un jour faire une guerre civile apres ſa mort : de ſorte qu’il aprehendoit eſtrangement, qu’il ne trouvaſt un obſtacle invincible de ce coſté là : &