Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/98

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donnée, qu’elle ne le creût pas encore : elle prit pourtant la reſolution, de taſcher de deſcouvrir s’il eſtoit vray que Perinthe apres l’avoir quittée, euſt eſté effectivement occupé à quelque affaire importante. Cependant comme l’enjoüement de ſon humeur, ne l’empeſche pas d’eſtre tres prudente, elle ne me dit rien de ce qui luy venoit d’arriver ; quoy que je la joigniſſe un inſtant apres que Perinthe ſe fut retiré.

Durant que cela ſe paſſoit ainſi, Abradate pour ne perdre point des momens ſi precieux, n’avoit pas pluſtost eſté aupres de la Princeſſe, que prenant la parole, Madame, luy dit il, j’ay une grace à vous demander, que je voudrois bien que vous ne me refuſassiez pas : comme je ne doute point que ce que vous voulez de moy ne ſoit juſte, reprit la Princeſſe, je penſe que vous ne devez pas craindre d’eſtre refuſe. Je ne laiſſe pourtant pas de l’aprehender, luy dit il, & je croy meſme que ſi j’examinois bien mes ſentimens, je trouverois que je n’aprehendre gueres moins que vous m’accordiez ce que je deſire, que je crains que vous me le refuſiez. Il me ſemble, repliqua Panthée, qu’il eſt aſſez aiſé de ne demander point ce que l’on aprehende d’obtenir : ce que je dis ne laiſſe pourtant pas d’eſtre veritable, repliqua t’il, car enfin Madame, eſtant ſur le point de partir, j’ay une paſſion ſi forte de sçavoir preciſément en quels termes je ſuis dans voſtre eſprit, que je ne puis me reſoudre à prendre congé de vous, ſi vous ne me faites la faveur de me l’aprendre. Mais auſſi connoiſſant le peu que je vaux, je crains avec tant de raiſon, que ſi vous m’accordez ce que je veux, vous ne me mettiez au deſespoir, que je n’oſe preſques vous regarder, de peur de voir deſja dans vos yeux les ſentimens de voſtre cœur.