dis vray : & celuy mesme dont vous semblez prendre la deffence, peut vous en dire quelque chose, s’il n’a mauvaise memoire. Il n’est pas icy question de vostre bravure, adjousta Ciaxare, je ne doute pas que vous ne soyez vaillant ; mais j’ay lieu de douter si vous estes fidelle. Vostre Majesté ne douteroit non plus de l’un que de l’autre, si elle me connoissoit bien, luy dit Artamene ; & il n’est pas aisé d’imaginer, qui pourroit corrompre la fidelité de celuy qui dispose à son gré des Couronnes. Pourquoy donc, repartit le Roy, ne m’éclaircissez vous de vos intentions, s’il est vray qu’elles soient innocentes ? Je supplie vostre Majesté, luy respondit il, de ne me presser pas davantage, sur une chose que je ne puis, ny ne dois luy dire : il me suffit, adjousta t’il, que l’on sçait que les Dieux ont voulu quelque-fois se servir de ma main, pour soutenir ce mesme Sceptre, auquel vous croyez que je pretens. Ne me reprochez point, interrompit alors Ciaxare, les services que vous m’avez rendus : car outre que vous verrez que vous n’en estes pas mal payé, si vous vous souvenez de ce que vous estiez, & de ce que vous estes ; il ne m’en souvient que trop : & si j’en avois perdu la memoire, peut-estre auriez vous desja perdu la vie. Du moins ne m’arresterois-je pas si long temps, à chercher moy mesme des excuses à vostre crime : & je ne me verrois pas plus diligent que vous, à essayer de vous justifier. Seigneur, reprit Artamene, je ne vous reproche pas mes services : & ils sont si peu considerables, que je ne vous en aurois pas parlé, si j’eusse eu d’autres raisons pour soutenir mon innocence calomniée. Et d’où voulez vous que nous tirions les preuves de cette innocence pretenduë, luy dit Ciaxare ? De la connoissance
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