Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/103

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de ma vertu, respondit Artamene ; si vous estes encore capable de la connoistre. Quoy ! adjousta Ciaxare encore plus irrité, vous ne voulez donc pas me descouvrir plus precisément, quelle est cette intelligence que vous avez, avec le Ravisseur de ma Fille & mon Ennemy ? Seigneur, le temps vous l’apprendra, respondit cét innocent accusé ; & ce ne sera que par luy, que vous sçaurez de quelle façon Artamene, cét homme que vous ne connoissez pas ; cét homme qui à ce que vous croyez, vous à voulu trahir ; cét homme, dis-je, que vous avez aimé ; est d’intelligence avec vostre Ennemy. Je n’ay que faire du temps, pour vous le faire avoüer, repliqua Ciaxare : il paroist assez dans vostre Billet ; & mesme dans vos discours. Mais comme la connoissance des particularitez de cette Conjuration secrette, est necessaire à ma seureté, & au bien de mon Estat ; sans attendre que le temps m’en esclaircisse, il pourra estre qu’estant mis dans une prison plus estroite & plus sevre que celle que vous aviez donnée au Roy d’Assirie ; vous vous resoudrez enfin de me les apprendre. Seigneur (respondit Artamene sans plus s’esmouvoir, & sans s’emporter ; ) ce n’est point par la captivité, ny mesme par les suplices, que l’on peut faire dire à Artamene, ce qu’il ne veut pas descouvrir : ce qui me console en cette avanture, c’est que je ne quitteray mon espée pour recevoir des fers, qu’en un temps où vostre Majesté n’a plus gueres d’Ennemis assez puissans pour luy nuire : & qu’ainsi elle ne perdra en me perdant, qu’un serviteur inutile. Je vous entens bien, repliqua le Roy en colere ; & vous ne pouvez vous empescher de me reprocher vos services. Alors se tournant vers la porte de son Cabinet,