Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/111

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Nous y adviserons, leur respondit alors Ciaxare : Mais cependant, que chacun se souvienne en cette rencontre, qu’il est quelquefois tres dangereux d’embrasser avec trop de chaleur, la deffence des criminels : & que ceux dont les Troupes feront quelque rumeur dans mon Camp, me respondront en leurs propres personnes, de l’insolence & de la revolte de leurs Soldats. Ces Princes & ces Capitaines qui virent que Ciaxare se laissoit emporter à la colere, ne voulurent pas l’irriter davantage : & comme la valeur d’Artamene les avoit presque tous rendus ses Vassaux, ses Sujets ou ses Alliez ; ils ne voulurent pas perdre entierement le respect qu’ils luy devoient, ny se mettre en estat de se rendre inutiles pour Artamene qu’ils aimoient beaucoup ; comme ils eussent fait, s’ils eussent continué d’eschauffer un esprit, qui ne l’estoit desja que trop. Ils le laisserent donc dans la liberté de s’entretenir soy mesme, & de dissiper une partie de son chagrin, par le temps qu’il auroit de faire reflexion sur ce qu’il avoit fait, & sur ce qu’il avoit à faire.

Cependant Chrisante & Feraulas en sortant du Cabinet du Roy, leur firent de nouveau mille sermens, en faveur de l’innocence de leur Maistre : & les confirmerent puissamment dans le dessein qu’ils avoient de le servir. Ils protesterent tous de perir plus tost que de souffrir qu’un homme d’un merite si extraordinaire, fust injustement traité. Ce n’est pas que ce Billet ne les embarrassast un peu : mais Artamene eut pourtant ce bonheur là, que tous creurent qu’il y avoit quelque chose de caché qui le justifieroit : & que personne ne crût qu’il fust coupable. En effet quelle apparence y avoit il, qu’Artamene peust avoir une intelligence criminelle avec un Prince qu’il venoit