Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/115

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homme donc, estant arrivé à Sinope, avoit esté trouver cét Amy d’Aribée & d’Artaxe ; l’avoit trouvé disposé, à ce qu’il desiroit de luy ; & ce traistre avoit en effet conduit la chose, jusques au point qu’elle estoit. Mais ce qu’il y eut d’admirable en cette rencontre ; ce fut que cét homme qui ne s’estoit principalement resolu à ce qu’il avoit fait ; que parce qu’il s’estoit laissé persuader, que c’estoit rendre un office universel à toute l’Asie, que de faire perir Artamene ; fut bien estonné de voir, qu’au lieu de causer une joye generale, il avoit causé une douleur publique : & qu’il avoit mis un desordre, & une confusion si grande par tout, qu’il n’estoit pas aisé de prevoir, par quels moyens l’on pourroit remettre les choses en leur tranquilité premiere. Cét homme donc, de qui l’ame estoit sans doute plus fragile que meschante ; pressé de remords : & de plus extrémement irrité, de la fourbe qu’on luy avoit faite, & de la mauvaise action qu’on luy avoit fait faire à luy mesme ; se resolut absolument de la reparer ; & d’apprendre aux Amis d’Artamene, quel estoit celuy qui entretenoit Ciaxare dans son chagrin & dans sa colere. Il s’adressa pour en venir about à Feraulas ; & luy advoüa ingenûment comme la chose s’estoit passée : mais avec des paroles si pleines de repentir ; que quoy que cet homme eust mis la vie de son Maistre en danger, il ne le mal-traita point. Au contraire, apres avoir blasmé sa premiere action, il loüa fort la seconde : & se resolut de se servir de luy, pour descouvrir tout ce qui se passeroit, chez l’Ennemy caché d’Artamene. Il fit aussi tost sçavoir à son Maistre, tout ce qu’il avoit appris : car encore que Ciaxare eust deffendu que personne ne luy parlast ; le Capitaine des Gardes