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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/135

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Les Mages obeïrent à ses commandemens : mais en luy obeïssant, il ne reçeut pas de leur silence, tout l’effet qu’il en attendoit : car le peuple crût au contraire, que puis que l’on ne vouloit pas luy apprendre de quel mal il estoit menacé ; il faloit necessairement qu’il fust fort à craindre : le jeune Prince mesme s’imagina, que peut-estre les Mages avoient trouvé que sa vie estoit menacée : ainsi toute la Cour & tout le peuple estoit en confusion & en desordre. Le Roy faisoit pourtant tout ce qui luy estoit possible, pour tesmoigner qu’il n’avoit rien de fâcheux en l’esprit : mais au milieu des Festes de resjoüissance qu’il faisoit faire exprés pour déguiser, son chagrin, l’on ne laissoit pas de remarquer en luy, une inquietude si extraordinaire, qu’il estoit aisé de juger que son ame n’estoit pas en repos.

En effet l’on peut dire que son cœur estoit agité par deux passions, qui ne se trouvent ensemble, sans exciter de grands troubles : & la tendresse paternelle ayant à combattre la jalousie de la Souveraine authorité : il est facile de juger, qu’Astiage n’estoit pas d’accord avec luy mesme. Il aimoit la Couronne, comme il aimoit son Fils : & peut-estre mesme penchoit il un peu plus d’un costé que d’autre : en effet sa procedure le fit assez remarquer peu de temps apres. Car venant à chercher les moyens d’empescher le jeune Ciaxare de songer à la revolte ; il crût qu’il n’en avoit point de meilleure voye, que celle de l’esloigner de la Cour, où les Grands de l’estat demeurent : qui le regardant comme devant estre un jour leur Roy, avoient des déferences pour luy ; qui l’entretenoient dans une disposition fort propre à recevoir agreablement de mauvais conseils. Neantmoins ce n’estoit pas sans beaucoup d’inquietudes, & sans