Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/136

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beaucoup d’irresolutions, qu’il se determinoit à cét esloignement : car il y avoit des momens, où au contraire il craignoit que ce ne fust donner à Ciaxare les moyens de luy nuire plustost. Car, disoit il en luy mesme, tant qu’il est aux lieux où je suis, je n’ay presque pas besoin d’Espions pour observer ce qu’il fait ; & ; je suis moy mesme le tesmoin de ses actions. Mais quand il fera dans une Province esloignée, en qui me pourray-je confier de sa conduitte ? & ne dois-je pas croire que les personnes mal intentionées, luy diront en ce lieu là, ce qu’elles ne feroient peut-estre que penser en celuy cy ? Enfin, Seigneur, apres avoir bien examiné la chose ; & l’avoir bien regardée de tous les biais, il crût avoir trouvé un expedient plus seur de l’éloigner, que tous ceux qu’il avoit imaginez auparavant. Car venant à penser que le Roy de Capadoce, son Voisin & son Allié, n’avoit laissé en mourant qu’une fille sous la conduite de la Reine sa Mere ; il creut que s’il la pouvoit faire espouser à Ciaxare, ce seroit une excellente voye de l’esloigner, sans luy donner sujet de pleinte, & sans qu’il parust que ce fust avec un dessein caché. Que de plus, il estoit à croire, qu’en mettant une Couronne sur la teste de son fils, elle suffiroit à satisfaire son ambition : & qu’elle pourroit l’empescher de commettre un crime, en songeant à arracher celle de son pere. Enfin il vit tant d’avantage en ce dessein, qu’il ne pensa plus qu’à l’achever. Je ne m’arresteray point, Seigneur, à vous dire tout ce qu’il fit pour y parvenir, & tous les obstacles qu’il y rencontra : car je presupose que vous n’ignorez pas, qu’il y a une loy en Capadoce, qui veut que les Rois ne marient jamais leurs filles, à des Princes Estrangers,