Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/139

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redoubler sa lumiere, de toute celle que les autres avoient perdue. Astiage plus troublé de ce dernier Prodige, qu’il ne l’avoit esté de ses songes ; consulta de nouveau les Mages : qui luy dirent que sans doute cela estoit une marque asseurée, que toute domination cesseroit ; & seroit confonduë dans celle qu’un fils de Mandane devoit avoir ; selon les songes qu’ils luy avoient expliquez auparavant. Le jour d’apres, la Princesse estant allée au Temple, les fondemens s’en esbranlerent ; tous les ornemens en tomberent à terre ; excepté une image d’un jeune Enfant, qui demeura debout, avec un Arc à la main : ce qui fit encore dire aux Mages, que cét Enfant qui devoit naistre, seroit l’amour de toutes les Nations : & seroit Maistre absolu de la plus noble partie du Monde. Apres ces accidens, & ces prodiges redoublez, Astiage abandonna entierement son cœur à la crainte : & la Princesse qui peu de jours auparavant, faisoit toutes ses delices ; fut la cause de tous ses chagrins, & de toutes ses inquietudes. Il est vray qu’il ne les souffrit pas seul ; & qu’elle les partagea avec luy, quoy que ce fust d’une maniere differente : car ayant sçeu enfin l’explication que les Mages avoient donnée à Ciaxare, sur tout ce qui estoit arrivé ; cette sage Princesse fut trouver le Roy son pere, pour le suplier tres humblement, de se mettre l’esprit en repos. Que pour le pouvoir faire, il n’avoit qu’à s’asseurer, que s’il le jugeoit à propos, elle ne songeroit jamais à se marier : & qu’ainsi, toutes les menaces qu’on luy faisoit se trouveroient vaines. Que si sa vie luy donnoit de l’inquietude, & qu’il ne voulust pas se fier en ses paroles ; elle venoit luy dire, qu’elle estoit resoluë à la mort : qu’elle s’estimeroit heureuse