Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/140

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d’estre la Victime qui appaiseroit les Dieux irritez, & qui remettroit la tranquilité dans son ame : & qu’apres tout, luy devant la vie, elle se croyoit obligée de la luy rendre. Astiage entendant parler la Princesse sa fille de cette sorte, au lieu d’en estre touché, crût qu’il y avoit de dissimulation en sa procedure, & que la frayeur la faisoit parler si hardiment : de plus, comme il sçavoit qu’il y avoit un homme de qualité, nommé Artambare, qui estoit fort amoureux de la Princesse, & qui avoit mesme esperé l’obtenir de luy ; il crût que cét homme, qui effectivement estoit fort ambitieux, devoit estre pere de celuy qu’il apprehendoit si fort. De sorte que sans respondre rien à tout ce que la Princesse sa fille luy avoit dit d’obligeant ; il se contenta de luy dire, qu’il luy deffendoit de sortir de son Apartement : & qu’il ne vouloit autre chose d’elle, si non qu’elle se preparast à obeïr sans reserve, à tout ce qu’il ordonneroit.

Cette sage Princesse se retira, apres avoir promis cette obeïssance aveugle : & Astiage demeura dans sa chambre, avec une inquietude insupportable. Il ne pouvoit pas se resoudre de penser à la mort de sa fille : & il ne pouvoit non plus s’assurer en la promesse qu’elle luy faisoit de ne se marier jamais. Car, disoit il, quand mesme elle n’en auroit nulle intention presentement ; qui sçait si Artambare qui en est amoureux, ne gagnera point enfin son esprit ; ou bien si sans son consentement, il ne l’enlevera pas ? elle est jeune & belle ; & soit par les desseins qu’elle peut prendre ; ou par ceux que l’on peut avoir pour elle ; il y a beaucoup de danger à se confier en ses paroles : Si je l’enferme dans une Tour, ceux qui en sont amoureux, la delivreront, ou par