Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/141

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force, ou par adresse : si je la laisse libre, on la persuadera contre ma volonté : enfin, disoit il, je ne sçay que faire, ny que resoudre. Mais apres tout, il crût, (puis qu’il n’estoit pas capable du violent dessein de la perdre ; ) que le mieux qu’il pouvoit faire, estoit de la marier : mais de la marier de façon, que selon toutes les apparences, il ne deust pas craindre les choses dont il estoit menacé. Apres avoir bien resvé sur cette pretenduë alliance, il s’avisa que Cambise qui depuis peu estoit parvenu à la Couronne de Perse, par la mort du Roy son pere, pouvoit estre assez propre pour le r’assurer, & pour le guarir de ses craintes : Car, disoit il en luy mesme, je sçay que les Persans naturellement ne sont point ambitieux : qui’ils sont fort equitables ; qu’ils sont satisfaits des Terres qu’ils possedent ; qu’ils ne songent point à reculer les bornes de leur Estat ; & que pourveu qu’on les laisse joüir en paix de ce qui leur appartient ; ils n’ont jamais nulle intention de perdre un repos assuré, pour des conquestes incertaines. De plus, adjoustoit il, je sçay que Cambise en son particulier, surpasse autant en moderation tous les autres Persans, que les Persans en general, surpassent en cette vertu, tous les autres Peuples de la Terre : il se laisse gouverner par les Loix, & ne gouverne que par elles : de sorte qu’il semble par toutes ses façons d’agir avec ses Subjets, qu’il est moins leur Roy, que leur Pere. Joint que la Royauté de Perse n’est pas si absoluë, que le Gouvernement n’y retienne quelque ombre de Republique ; ainsi moins facilement plusieurs s’engagent à la guerre qu’un seul : & l’ambition qui peut tout dans l’ame d’un Prince, ne peut presque rien sur tout un Senat. Enfin, Seigneur, pour n’allonger pas mon recit, par des choses