Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/143

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generale : & qu’enfin il faloit plustost desormais songer à s’y preparer, qu’a l’empescher. Les choses estant en cét estat, Astiage envoya prier Cambise, de souffrir que Mandane fist un voyage aupres de luy : cette Princesse quoy que bien informée de l’humeur de Roy son Pere, n’en dit rien au Roy son Mary : & le supplia de luy permettre de donner cette satisfaction, à celuy qui luy avoit donné la vie. Car encore qu’elle sçeust bien les imaginations de son Pere ; elle espera l’en pouvoir guerir enfin : & au pis aller, quoy qu’elle aimast infiniment Cambise, elle se resoluoit plustost à s’en priver, qu’à estre cause d’une guerre entre son Pere & son Mary, comme elle eust esté par ce refus. Ce Prince qui aymoit cherement la Reine sa femme, eut cette complaisance pour elle : & la renvoya en Medie, avec un equipage proportionné à sa condition ; & à la Cour où elle avoit esté nourrie, plustost qu’à la moderation de celle où elle demeuroit alors. Le Roy son Mary la conduisit jusques sur la Frontiere : & là ils se dirent un adieu le plus touchant & le plus tendre, qu’il est possible d’imaginer. Car comme Mandane craignoit que le Roy son Pere ne la voulust retenir, pour se mettre l’esprit en repos, & pour se delivrer de ses terreurs ; elle avoit une secrette cause de douleur dans l’ame, que Cambise ne partageoit pas avec elle, parce qu’il ne la sçavoit point. Mais enfin ils se separerent ; Cambise s’en retournant à Persepolis ; & Mandane fort melancolique, s’en allant à Ecbatane. Elle y fut reçeuë avec une joye inconcevable : & Astiage ne s’estoit jamais veû si en repos, ny si assuré qu’il se le croyoit. Car auparavant que la Princesse fust mariée, il apprehendoit que quelqu’un (comme je l’ay dit) ne luy persuadast de se marier,