Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/147

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pour se mettre en seureté, elle abandonna le corps mort de son Fils, pour sauver celuy de ce bel Enfant vivant. Ce n’est pas que cette pauvre Mere, qui se nommoit Spaco, n’eust quelque peine à se resoudre, de mettre le corps de son Fils en estat d’estre devoré par les bestes sauvages ; enfin cette tendresse maternelle ceda à une tendresse plus legitime : & ne pouvant ressusciter son Enfant, elle voulut du moins conserver celuy de quelque Personne de haute condition, à ce qu’elle en pouvoit juger, par les langes de drap d’or, dans lesquels cét Enfant estoit enveloppé. Tant y a, Seigneur, que Mitradate & sa Femme, demeurant au pied de ces Montagnes desertes, tirant vers le Septentrion d’Ecbatane etb le Pont Euxin ; il leur fut aisé de mettre cét Enfant mort en lieu, où il peust estre déchiré : car comme partie de la Medie qui regarde les Aspires, est extrémement montagneuse, & couverte d’espaisses forests, qui sont toutes remplies de Bestes sauvages, jusques à cette grande Plaine qui la borne de ce costé là. Vous sçavez aussi, comment Mitradate ayant exposé son Fils mort dans le Berçeau magnifique, dans lequel on luy avoit baillé le Fils de Mandane ; fit voir cét Enfant déchiré, à ceux qu’Harpage y envoya ; qui prenant ces pitoyables restes de la fureur des Tigres & des Pantheres, les reporterent à leur Maistre, qui en ayant adverty Astiage, reçeut ordre de les faire mettre dans le Tombeau des Rois de Medie. Ainsi l’on voyoit le Fils d’un Berger, dans un Sepulchre Royal ; & le Fils d’un Roy dans la Cabanne d’un Berger. Vous n’ignorez pas non plus, qu’Astiage fit publier dans sa cour, que le Fils de Mandane estoit