Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/148

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mort de maladie ; qu’il fit dire la mesme chose à cette Princesse, & qu’il envoya consoler Cambise de cette perte : Mais vous ne sçavez peut-estre pas, que Mandane ne soubçonnat que trop la verité de la chose ; eut pourtant la fermeté de n’en tesmoigner jamais rien : & de se contenter de faire voir une melancolie estrangge dans ses yeux, sans en vouloir découvrir la cause. Elle ne voulut pas mesme mander rien de ses soubçons au Roy son Mary : & pour cacher mieux sa douleur, elle demanda une seconde fois la permission d’aller aux champs, qu’on luy accorda alors sans repugnance : & mesme à quelque temps de là, Astiage luy fit dire, que si elle vouloit retourner en Perse, il luy en donnoit la liberté. Car comme il s’estoit imaginé que ce premier Fils de Mandane estoit celuy qu’il devoit apprehender ; il fut bien aise de s’oster la veuë d’une Princesse, qui par sa respectueuse douleur, luy faisoit mille reproches secrets de sa cruauté. Elle partit donc pour s’en retourner aupres de Cambise, auquel elle ne dit jamais rien des soubçons qu’elle avoit dans l’esprit : n’attribuant le changement qu’il vit en son visage, qu’à son absence, & à la mort de son Fils.

Mais, Seigneur, je ne songe pas que contre mon intention, je m’estens plus que je ne devrois : il faut donc reparer le passé, par ce qui me reste à vous dire : & ne vous exagerer point, la merveilleuse enfance de mon Maistre ; qui dans la Cabane d’un Berger, ne laissa pas de trouver les honneurs de la Royauté. Vous sçaurez donc seulement en peu de paroles, que ce jeune Prince, qui sans se connoistre agissoit en Roy ; se fit declarer pour tel à l’âge de dix ans, par tous les autres Enfans des hameaux voisins, qui se joüoient aveques luy. Qu’en suitte