Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/158

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ennemy que j’ignore. Seigneur, luy respondit Harpage, le Roy des Medes est ce redoutable Ennemy qui vous a pensé perdre, & qui vous perdra si vous ne le perdez luy mesme. Quoy ! (interrompit Cyrus, encore plus estonné qu’auparavant) Astiage est mon Ennemy ! & je dois estre le sien ! ha non, non, poursuivit il, cela ne peut jamais estre : & si ce Prince a des Ennemis, je vous prie de me les apprendre, afin que j’aille les combattre, & les vaincre s’il m’est possible : Mais de luy faire la guerre & de l’attaquer, c’est ce que je ne dois, ce que je ne veux, & ce que je ne sçaurois faire. Astiage est Pere de la Reine de qui j’ay l’honneur d’estre Fils ; je le dois presque autant respecter que le Roy qui m’a fait naistre ; & je ne me souviens point d’avoir reçeu de luy, que des caresses, & des tesmoignages d’affection fort tendres. Il a eu soin de ma vie en naissant, il a fait courir le bruit de ma mort, afin de me faire vivre ; il m’a tiré de la Cabane d’un Berger, pour me remettre en un lieu plus proportionné à ma naissance ; & il n’a rien fait enfin, qui ne demande de moy, du respect & de la tendresse. Cyrus ayant achevé de parler, Harpage le suplia de le laisser parler à son tour : & alors il commença de luy raconter, tout ce que ce jeune Prince n’avoit point sçeu : car la Reine sa Mere depuis son retour, n’avoit eu garde de luy en rien dire. Il se mit donc à luy exagerer la cruauté du Roy des Medes : il se fit reconnoistre à luy, pour l’avoir veû à Ecbatane, durant quelques jours qu’ils y avoient esté en mesme temps ; & il luy dit, qu’il n’avoit garde d’estre mal informé de ce qu’il disoit ; puis que ç’avoit esté luy, qui avoit reçeu l’injuste commandement de le perdre. Il n’eut pourtant pas la hardiesse de dire à Cyrus qu’il l’avoit baillé