Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/157

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trop equitable, & m’est trop advantageux pour le refuser : Mais pour ne retarder pas le service que vous attendez de moy, & que j’ay grande impatience de rendre à ceux qui me font l’honneur de le desirer ; achevez de me dire quel est ce Roy inhumain, & quel est ce Prince injustement oppressé : car je m’estonne fort, de n’avoir point entendu parler de la violence de l’un, & de l’infortune de l’autre, moy que l’on instruit si soigneusement de tous les grands evenemens.

Seigneur, luy dit alors Harpage, vous estes ce Prince qu’il faut vanger : Moy ! adjousta Cyrus ; & par qui, genereux Estranger, puis-je estre oppressé ? Moy, dis-je, qui vis dans une profonde paix ; qui à peine ay commencé de vivre ; qui n’eus jamais d’ennemis en toute ma vie ; & qui ne suis ennemy que de ces bestes sauvages, dit il en montrant ce Sanglier, qui habitent dans nos forests. Seigneur (repliqua Harpage, qui voyoit venir plusieurs Chasseurs de divers endroits du Bois) s’il vous plaist de vous enfoncer un peu plus avant dans la forest, & de m’y donner un moment d’audience ; vous verrez que vous avez des ennemis plus redoutables que vous ne croyez : & que si vous ne leur faites une guerre ouverte, ils vous en feront peut-estre une secrette, qui pourra vous estre funeste. Cyrus luy accordant ce qu’il luy demandoit, s’enfonça vingt ou trente pas plus avant dans le Bois ; & faisant signe de la main à ceux qui venoient, qu’il ne vouloit point estre suivy ; il s’apuya enfin contre un Arbre ; & regardant Harpage attentivement ; est il possible, luy dit il, qu’il puisse y avoir de la verité en vos paroles ; & que vous sçachiez mieux ma vie que moy mesme ? Mais apres m’avoir apris le nom du Prince opressé, aprenez moy celuy de cét