Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/163

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tant d’esprit, tant de sagesse, & tant de generosité, que j’en fus surpris, & que je le regarday comme un prodige. Quand il m’exageroit la joye qu’il avoit euë, lors qu’Harpage luy avoit offert une Armée de trente mille hommes à commander, l’on eust presque dit qu’il n’estoit pas bien aise de l’avoir refusé : Mais quand il venoit en suitte à representer la douleur qu’il avoit sentie, en aprenant qu’il ne luy estoit pas permis d’accepter ce qu’on luy offroit ; il donnoit aussi de la pitié, en donnant de l’admiration : & je ne pense pas que depuis qu’il y a des Hommes, & des Hommes illustres, il y en ait jamais eu un de cét âge-là, qui en une rencontre aussi delicate, ait agy avec tant de prudence, ny tant de generosité. Il se repentit mesme d’avoir promis à Harpage de le proteger, & de le presenter à la Reine sa mere : car, disoit il, si elle ne sçait pas la cruauté d’Astiage elle s’en affligera : & je serois bien marry de luy causer cette douleur. Enfin Chrisante, me dit il, c’est à vous à me dire si j’ay bien fait ; & à me conseiller ce que je dois faire. Car, adjousta t’il, je me fierois peut-estre bien à mon courage, s’il s’agissoit de combattre quelque redoutable Ennemy : mais il n’est pas juste que je me fie en ma prudence, en un âge où l’experience ne luy a encore rien apris. Comme il eut cessé de parler, je le loüay autant qu’il meritoit de l’estre : & je luy dis que tout ce qu’il avoit dit estoit bien dit : mais que pour ce qui estoit de faire un secret à la Reine, de ce qu’Harpage luy avoit apris, je ne le jugeois pas à propos. Chargez vous donc de cette Commission, me respondit il, car pour moy, je vous advoüe, que je ne puis me resoudre de luy dire une chose si fascheuse à sçavoir pour elle. Je luy accorday ce qu’il me demandoit : &