Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/164

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comme nous fusmes retournez à Persepolis, il s’en alla droit à l’Apartement du Roy, pour me donner le temps d’àller à celuy de la Reine. Je fus donc aprendre à cette sage Princesse, la rencontre du Prince son fils, dont elle reçeut beaucoup de déplaisir & beaucoup de satisfaction : car elle eust bien voulu que ce jeune Prince eust tousjours ignoré la cruauté d’Astiage : mais voyant aussi comme il en avoit usé ; elle se consoloit de ce qui estoit advenu, & s’abandonnoit à la joye : voyant qu’elle avoit un fils si bien nay & si admirable. Cependant apres avoir bien examiné l’estat des choses ; elle trouva qu’il faloit obliger Cyrus à ne dire rien de ce qu’il sçavoit au Roy son Pere, puis que ce seroit l’affliger inutilement, pour une chose passée. Que pour Harpage, il estoit sans doute juste de le proteger : & que de plus, il estoit necessaire de tascher de le retenir en Perse, par l’esperance qu’il luy faloit donner, de faire sa paix avec Astiage. Car, disoit cette vertueuse Princesse, encore que le Roy mon Pere soit injuste, je suis pourtant toujours sa fille : c’est pourquoy je dois songer à son repos, autant que je le pourray. Et c’est pour cela, poursuivoit elle, qu’il ne faut pas renvoyer Harpage mescontent : car s’il est vray qu’il ait trente mille hommes en sa disposition ; il pourroit allumer la guerre civile en Medie, & desoler mon Païs. Il vaut donc mieux luy donner un Azyle en cette Cour, que de le renvoyer dans une autre : dont le Prince profiteroit peut-estre de nos malheurs, & des intelligences de cét homme violent & irrité, aux despens de ma Patrie. Helas ! disoit elle encore, qui vit jamais une advanture pareille à la mienne ? Harpage comme voulant faire la guerre au Roy mon Pere, doit estre