mon ennemi : mais comme n’ayant pas tué mon fils, lors qu’on le luy commanda ; il merite que je le protege. Le Roy des Medes comme m’ayant donné la vie, me demande de la tendresse & de l’amitié : & comme l’ayant voulu oster à mon fils, il faut que j’aye, si je l’ose dire, de l’horreur & de la haine pour luy. Et comment Chrisante, me disoit elle, accorderons nous toutes ces choses ? comment satisferons nous, la Nature & la Raison ! Mais enfin apres avoir bien exageré cette affaire, & bien examiné ce qu’elle feroit : nous resolûmes qu’elle obligeroit le Roy son mary à proteger Harpage, comme un de ses anciens serviteurs à elle, que le Roy son Pere avoit exilé pour quelque autre sujet qu’il faudroit inventer. Que l’on tascheroit d’arrester Harpage en Perse, le plus long temps que l’on pourroit, de peur qu’il n’allast faire la guerre au Roy des Medes : Mais qu’on l’obligeroit à demeurer à la campagne, & à ne paroistre point à la Cour ; de peur qu’Astiage ne s’en offençast, s’il sçavoit qu’on donnast retraite à ceux qu’il chasse. Et que de mon costé, j’apporterois un soin particulier à empescher que cét homme n’aprochast le jeune Cyrus, & ne luy fist enfin changer de pensée. La chose s’executa comme elle avoit esté resoluë : & apres que le Reine eut extraordinairement carressé le Prince son fils, & qu’elle l’eut infiniment loüé, de l’action qu’il avoit faite ; elle reçeut Harpage fort civilement ; le presenta en particulier au Roy son Mary ; l’envoya en suitte à une des plus belles Maisons du Roy ; y donna ordre à sa subsistance ; & l’entretint tousjours d’espoir, durant tout le temps qu’il y fut.
Cependant comme Astiage ne s’estoit jamais entierement affermy, en l’opinion qu’il avoit euë, que