Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/179

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depuis la mort du Roy son Mary, comme estant effectivement à elle, quoy qu’elle eust fait Couronner le Prince son Fils ; avoit reçeu un desplaisir tres sensible : que ce qui l’avoit causé, estoit que n’ayant que ce Fils unique, auquel elle vouloit faire espouser la Fille d’un Prince appellé Gadatte, dés que la Paix avoit esté concluë ; & laquelle il ne pouvoit aimer ; il s’estoit dérobé de la Cour, sans que l’on eust pû sçavoir ce qu’il estoit devenu. Apres que cét homme eut satisfait à la demande que le Prince luy avoit faite, & que je l’en eus remercié ; il poursuivit son chemin & nous le nostre. Mais venant à regarder Artamene, je le trouvay tout changé & tout melancolique ; Et quoy, Seigneur, luy dis-je en souriant, prenez vous un si grand interest aux choses qui regardent la Reine Nitocris, que vous deviez partager son affliction ? Chrisante, me dit il, quoy que je sçache bien que cette Princesse est la gloire de son Sexe ; & que le bruit de son Nom & de sa Vertu, m’ait donné beaucoup d’estime pour elle ; ce n’est pas toutefois, ce qui m’afflige le plus. Mais n’admirez vous point, poursuivit il, la bizarrerie de ma fortune ? je viens pour faire la guerre, & c’est sans doute moy qui fais la Paix. Je cherche un Païs de trouble & de division, & j’arrive en un Païs de tranquilité & de repos. Je me prepare à entendre le bruit des Trompettes, & je n’entendray que les cris d’allegresse que ce Peuple fait sans doute pour son bonheur. Que si pour me consoler de voir l’effet d’un dessein si noble differé, je veux au moins sçavoir, de quelle façon le plus puissant Prince d’Asie, regne dans la plus superbe Bille du Monde ; il se trouve que ce Prince n’y est plus ; & que cette Cour est en larmes & en deüil.