qu’encore qu’Artamene n’eust pas fait dessein de prendre le party des Assiriens contre les Phrigiens ; à cause que ces premiers estoient les anciens Ennemis d’Astiage ; je ne laissay pas de le porter à voir cette Cour là ; qui estoit la plus grande & la plus pompeuse qui fust en toute l’Asie.
Comme nous aprochasmes de Babilone, Artamene reçeut un desplaisir bien sensible : car comme nous marchions le long de l’Euphrate, & que je luy faisois admirer la merveilleuse scituation de cette superbe Ville ; que l’on a bastie entre deux des plus beaux Fleuves du monde ; le Tigre n’estant gueres moins fameux que l’Euphrate ; il passa deux hommes aupres de nous, qui dirent que la Reine avoit eu tout à la fois, une grande joye, & une grande douleur. Or, Seigneur, il faut que vous sçachiez, que Cambise avoit voulu que le Prince son Fils sçeust les langues des Nations les plus celebres qui soient au monde : luy semblant, disoit il, estrangge, qu’un Prince n’entende pas le langage de ceux dont il doit un jour recevoir des Ambassadeurs. Ainsi comme la Nation des Assiriens, estoit la plus fameuse de toutes, le Prince sçavoit leur langue, & je la sçavois aussi. Entendant donc ce que ces deux hommes dirent ; il leur demanda fort civilement en la mesme langue, quelle estoit cette joye & cette douleur, que leur Reine avoit reçeuë ? l’un d’entr’eux luy respondit, que quant à la joye, c’estoit que depuis huit jours, la guerre que l’on croyoit aller estre tres forte, entre le Roy d’Assirie, & le Roy de Phrigie, s’estoit heureusement terminée par une Paix avantageuse, qui avoit esté publiée, depuis deux jours seulement. Mais que le lendemain, la joye de cette Grande Reine, qui gouvernoit seule ce grand Royaume,