Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/181

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quelque chose, de ce qui est arrivé depuis. Mais comme il y avoit beaucoup à voir dans une si belle Ville, nous y fusmes prés d’un mois ; pendant lequel il vit plusieurs fois la Reine, qui certainement estoit une des plus Grandes Princesses du Monde. Elle faisoit alors achever ce magnfiique Pont, & ce grand Ouvrage, par lequel elle changea le cours de l’Euphrate, qui depuis a donné tant de peine à Artamene : & comme malgré le desplaisir qu’elle avoit de l’absence du Prince son Fils, elle n’abandonnoit point son dessein ; Nous la voyons tous les matins & tous les soirs, suivie de toute sa Cour, aller elle mesme voir travailler & haster un labeur, qui rendra sans doute son Nom illustre, à toute la Posterité. Nous vismes souvent aupres d’elle Mazare Prince des Saces ; qui depuis se trouva estranggement meslé dans les avantures de mon Maistre ; qui luy causa mille desplaisirs, & qui luy pensa mesme couster la vie. Artamene considerant un jour Nitocris, me dit en se tournant vers moy ; cette Princesse par les soins qu’elle prend, me donne de la confusion : car apres tout, adjousta t’il, c’est pour sa gloire qu’elle travaille ; & je n’ay encore rien fait pour la mienne. Ne vous en inquietez pas, Seigneur, luy dis-je, puis qu’enfin vous avez encore si peu vescu, que vous n’avez pas grand sujet de pleindre le temps que vous avez laissé perdre ; & vous avez encore tant à vivre, que vous n’avez pas raison non plus, d’aprehender de n’avoir pas loisir de faire parler de vous.

Neantmoins il falut contenter son impatience, & partir de Bablione ; principalement depuis qu’il eut sçeu qu’il y avoit apparence de guerre, entre les Grecs Asiatiques, comme aussi entre le Roy de Lydie, & celuy de