Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/182

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Phrigie ; qu’on disoit n’avoir fait la Paix avec les Assiriens, que pour n’avoir pas tout à la fois, tant d’ennemis sur les bras. Mais comme je n’estois pas si hasté que luy, de l’exposer aux perils ; je taschay de le faire resoudre, en attendant que ces guerres dont on parloit, fussent ouvertement declarées ; de voir tous ces divers Païs sans prendre party. Ce ne fut pas sans peine qu’il consentit : mais le faisant souvenir qu’il m’avoit promis quelque deference à mes prieres durant nostre voyage ; il s’y resolut ; avec beaucoup de repugnance. Nous vismes donc ces petits Estats, qui sont gouvernez par de si Grands hommes ; & Artamene tout imparient qu’il estoit, de se voir les Armes à la main ; ne fut pas marry de s’estre laissé persuader. En effet il faut advoüer, que la Nation Greque a quelque chose au dessus de beaucoup d’autres : & que si elle estoit aussi unie qu’elle est divisée ; que ceux qui habitent leur ancien Païs, se fussent joints à ceux qui sont en Asie ; ils pourroient peut-estre bien apprendre à obeïr, à ceux qu’ils appellent Barbares. Tant y a, Seigneur, qu’apres avoir veû plusieurs choses, qui seroient trop longues à dire ; nous fusmes à la Ville de Milet, que nous trouvasmes toute partialisée : les uns regrettant leur Prince que les autres avoient banny ; & les autres apprehendant qu’il ne recouvrast son Estat, de peur d’estre traitez comme des rebelles. Nous vismes en suitte la Ville de Mius, & celle de Prienne, qui sont toutes deux dans la Carie : Nous fusmes apres à Clasomene, à Phocée, & à Ephese ; ou la beauté du Temple de Diane, pensa presque persuader à Artamene, que nostre Nation avoit tort de n’en bastir jamais ; & de n’offrir ses Sacrifices que sur le haut des Montagnes ; ne jugeant pas que les Ouvrages