Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/183

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des hommes, puissent estre dignes d’estre la Maison des Dieux. Et certes il faut advoüer que ce Temple est une chose si magnifique, qu’elle merite bien la reputation qu’elle a d’estre une des Merveilles du Monde. Nous sçeusmes en ce lieu là, que le dernier Roy de Lydie, nommé Aliatte, & Pere de Cresus, qui regne aujourd’huy, y avoit eu beaucoup de devotion : & qu’il y avoit en effet envoyé des Offrandes si riches, que le Temple de Delphes n’en avoit pas qui le fussent davantage, quoy qu’il soit un des plus celebres de toute la Terre ; & qu’il soit mesme plus ancien que celuy d’Ephese. Mais nous aprismes aussi, que les Habitans de cette fameuse Ville, n’estoient pas si satisfaits de Cresus, qu’ils l’avoient esté de son Pere : le bruit courant qu’il avoit dessein de leur declarer la guerre ; ce qui fut cause qu’Artamene pour s’en esclaircir y tarda quelques jours, pendant lesquels nous admirasmes cette multitude d’estranggers, qui venoient en foule consulter l’Oracle. Je voulus obliger Artamene de s’informer quel devoit estre le succés de son voyage ; & quelle devoit estre sa fortune, mais il ne le voulut pas : & me dit que pour luy, il croyoit que c’estoit tesmoigner plus de respect pour les Dieux, de ne vouloir pas sçavoir leurs secrets ; que de vouloir par une impatience inutile, penetrer si avant dans l’advenir. Cependant il est certain, que ce qui l’en empescha principalement, ce fut la crainte qu’il eut de ne trouver pas dans la responce de la Deesse, ce qu’il desiroit si ardemment ; c’est à dire des occasions de guerre & de gloire. Mais la suitte des choses a bien monstrré, que sa crainte estoit mal fondée : & que les Dieux qui voyoient dans ses destins, ne luy pouvoient