Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/191

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des autres, & mesme encore un peu plus prés. Si bien qu’au lieu d’ameiner les voiles, comme le fameux Corsaire l’avoit creû ; nous le couvrismes d’une gresle des traits, qui tua plusieurs de ses Soldats, que nous vismes tomber sur le Tillac. Un procedé si hardi, luy persuada qu’il y avoit sans doute quelque homme de grand cœur dans nostre Vaisseau : ou que peut-estre mesme pouvoit il y avoir quelques uns de ses Ennemis, qui plustost que de se rendre à luy, vouloient combattre en desesperez. Irrité donc qu’il fut de nostre temerité, il commença d’agir en homme qui sçavoit faire la guerre : car il commanda à tous ses Vaisseaux de nous enfermer entr’eux, afin de nous estonner & de nous prendre, sans estre obligé d’aborder. Mais quoy qu’il peust faire, il fut plus de deux heures sans en pouvoir venir à bout : & si le Prince eust pû se resoudre, de se contenter d’avoir eu la gloire de combattre avec des forces tant inégales, & de se retirer sans vouloir vaincre absolument ; il ne se fust pas trouvé dans le peril, où je le vis bien tost apres. Car enfin ces quatre Vaisseaux, malgré tout l’Art de nostre Pilote, nous mirent au milieu d’eux ; & commencerent de tirer sur nous, avec tant de violence ; que nous combattions à l’ombre, par la multitude des traits qui couvroient nostre Vaisseau, & qui tomboient de toutes parts sur nos testes. Artamene voyant les choses en cét estat, commanda alors d’aller droit à, l’Amiral, & de s’attacher à luy : on luy obeït, nous l’abordons ; nous l’acrochons ; & nous commençons un combat, qui n’eut jamais de semblable. Artamene fautant au mesme instant, dans le Vaisseau du fameux Corsaire, le fameux Corsaire