Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/192

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fit la mesme chose dans celuy d’Artamene : si bien qu’il y eut intervale d’un moment, où les deux Chefs se trouverent seuls parmy leurs Ennemis. Mais la chose ne fut pas long temps en ces termes ; & il arriva en cette occasion, ce qui n’arrivera peut-estre jamais. Car comme nous ne songions qu’à suivre Artamene ; tout se lança avec luy ; tout se pressa pour le suivre ; & tout passa dans le Vaisseau du Corsaire ; excepté quelques uns qui tomberent dans la Mer, ou qui furent tuez, par ceux qui d’abord les repousserent. D’autre part, les Soldats du Corsaire ayant fait mesme chose que nous ; & ayant suivy leur Capitaine, avec mesme impetuosité, que nous avions suivy le nostre : dans ce desordre & dans cette confusion, il se trouva qu’Artamene fut Maistre du Vaisseau du fameux Corsaire ; & que le fameux Corsaire aussi, fut Maistre du Vaisseau d’Artamene. D’abord ils eurent tous deux de la joye : mais venant à considerer, qu’ils n’avoient fait que changer de Navire ; & que comme Artamene par des menaces, faisoit obeïr les Mariniers de l’illustre Pyrate ; l’illustre Pyrate aussi, faisoit suivre ses ordres à ceux d’Artamene ; ils recommencerent le combat : & chacun voulant rentrer dans son Vaisseau, combatit avec une ardeur qui n’est pas imaginable. Cependant ce bizarre evenement, differa nostre perte de quelques momens : car les trois autres Vaisseaux du Corsaire, qui ne discernoient pas si parfaitement les choses, tant parce qu’ils estoient plus esloignez, qu’à cause de la quantité de leurs propres traits ; ne songeoient point attaquer le Vaisseau de leur Amiral, dont nous estions les Maistres : si bien que durant quelque temps, ce genereux Corsaire se vit attaqué, &