il voyoit nostre Vaisseau investy de tous les costez ; il voyoit au Chef des Corsaires, une valeur peu commune, s’il m’est permis de le dire devant luy ; il voyoit que ce qui luy restoit de gens, estoient presque tous blessez ; & qu’il l’estoit luy mesme à l’espaule gauche, d’un coup de fléche qui l’avoit atteint ; & malgré tout ce que je dis, il donnoit encore ses ordres ; il estoit tantost à la Proüe, tantost à la Poupe ; il poussoit un Pyrate dans la Mer ; il en tuoit un autre d’un coup d’Espée ; & bref il agissoit de façon, qu’il estoit aisé de connoistre, qu’il estoit incapable de se rendre. Cependant Feraulas & moy eusmes le malheur d’estre blessez de telle forte, que nous en demeurasmes hors de combat : Feraulas ayant deux coups de javelot dans une cuisse, & moy deux grands coups d’Espée au bras droit. Neantmoins quoy qu’Artamene vist qu’il estoit perdu ; que je luy criasse qu’il pouvoit se rendre sans honte ; que le fameux Corsaire, tout blessé qu’il estoit de sa main, le voulust sauver ; que le Tillac fust tout couvert de sang, de blessez, & de morts à l’entour de luy, ce cœur inflexible & opiniastre dans sa generosité, n’escouta rien de tout ce qu’on luy dit, & combatit tousjours avec plus d’ardeur. Mais enfin estant venu aux prises avec un vaillant Grec, qui s’estoit signalé en ce combat, ils tomberent tous deux dans la Mer sans que d’abord l’on y prist garde. Un moment apres, l’absence d’Artamene ayant fait quitter les armes au petit nombre des siens qui ne les avoient pas abandonnées, tant qu’ils l’avoient veû combattre ; le fameux Corsaire n’ayant plus d’Ennemis qui luy resistassent, vit à trente pas de son Vaisseau, l’invincible Artamene qui nageant d’une main, & tenant son Espée
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