Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’Autels qu’elle en a. Peut-estre, luy dis-je, ne serez vous pas tousjours de cette humeur : je ne sçay, me respondit il ; mais dans celle où je suis presentement, je prefere la guerre à l’amour. Vous avez raison, Seigneur, luy dis-je ; & la passion de l’une, est bien plus heroïque que celle de l’autre : Mais quelque ardeur que vous ayez pour la gloire, peut-estre luy ferez vous quelque jour infidelité. Je ne le pense pas, me dit il, & je seray fort trompé, si jamais une pareille chose m’arrive. En disant cela, nous entrasmes dans ce Temple, que nous vismes magnifiquement orné : il y avoit alors encore peu de monde ; si bien que nous eusmes plus de liberté, d’en considerer toutes les beautez. Il se trouva en ce mesme lieu, un Estranger de fort bonne mine & fort bien fait, à peu prés de mesme âge que mon Maistre : n’ayant pas, à ce que l’on pouvoit juger en le voyant, plus d’un an ou deux plus que luy. Ce jeune Chevalier, suivant la coustume de ceux qui ne sont pas du Païs où ils se rencontrent, vint se mesler parmy nous, & fit conversation avec Artamene. Ils se regarderent tous deux avec attention, & avec estonnement : & comme cét Estranger avoit entendu que nous parlions la langue du Païs, qui ressemble fort à celle des Medes, aussi bien qu’à celle des Assiriens, par le voisinage de tous ces Royaumes qui se touchent ; il la parla aussi comme nous ; & tesmoigna avoir autant d’esprit que de bonne mine.

Cependant nous vismes venir beaucoup de monde dans ce Temple : & à quelque temps de là, nous commençasmes de voir passer devant nous, tous les aprests d’un superbe Sacrifice. Nous vismes donc arriver cent Taureaux blancs, couronnez de fleurs, conduits chacun par deux hommes, nombre